24 juil. 2013

Retraites : les mesures de justice à venir peuvent faire grimper la facture

En proposant un « forfait femme » pour compenser leur faible niveau de pension, l'exécutif entend corriger des inégalités de carrière. Mais il oublie l'injustice qui fâche le plus : les différences de mode de calcul public/privé.
Est-ce aux retraites, et plus précisément à la réforme en cours de préparation, de corriger toutes les inégalités ayant trait aux carrières? Le gouvernement et certains syndicats, CFDT en tête, répondent depuis longtemps par l'affirmative et on commence à en voir déjà les premières concrétisations. Ainsi pour corriger l'écart de pension entre les hommes et les femmes (600 euros en moyenne), Marisol Touraine, la ministre des Affaires sociales, a proposé de supprimer la bonification de pension de 10 % pour les parents ayant élevé trois enfants et plus.
Le gouvernement a d'ailleurs fait de la correction des inégalités de carrière l'un des axes forts de communication de la réforme à venir. Mieux, dans le cadre de la concertation actuelle avec les partenaires sociaux, il y consacre même trois journées, contre deux la semaine dernière aux questions plus majeures de financement et de pilotage du système. Dans son viseur? Le niveau de pension des femmes bien entendu, mais aussi les salariés qui ont eu des métiers pénibles ou encore ceux qui ont cotisé à plusieurs régimes et qui en subissent des pertes de pension.
Reste que des inégalités - des dépenses supplémentaires qui ne règlent en rien le problème du besoin de financement de 20 milliards d'euros par an à horizon 2020 - il en existe beaucoup d'autres. Et si le gouvernement met vraiment le doigt dans cet engrenage, les Français risqueraient de perdre sur tous les tableaux car la note finale grimperait alors à vue d'œil. «On ne peut pas tout régler au moment de la retraite», rappelle d'ailleurs Éric Woerth, le député UMP de l'Oise et artisan de la réforme mise en œuvre en 2010. Et l'ancien ministre du Travail de revenir sur l'exemple des différences historiques de rémunération entre le public et le privé qui ont conduit à avoir aujourd'hui des modalités de calcul des pensions différentes: sur les six derniers mois de traitement pour les premiers, et sur les 25 meilleures années pour les seconds.

Le casse-tête de la pénibilité

Le maintien en l'état de l'avantage accordé aux fonctionnaires et salariés des régimes spéciaux est en effet justifié par le fait que les primes ne sont pas intégrées dans le calcul de la pension - seuls 20 % le sont et depuis 2003, donc sans effet pour l'instant sur le montant de la retraite - et qu'elles représentent une part importante de la rémunération de certains agents dans quelques ministères, comme l'Économie. «S'il y a trop de primes dans certains ministères, il faut revoir le système de rémunération des fonctionnaires», répond Éric Woerth. Pour ensuite mettre fin aux différences de mode de calcul, dit-il, en instaurant une convergence totale entre le public et le privé.
L'ex-ministre fait exactement la même analyse sur la pénibilité, qui tourne au casse-tête dès qu'on y intègre la notion de justice. «Il existe déjà le dispositif carrières longues pour ceux qui ont commencé à travailler tôt et qui peuvent partir plus tôt, ainsi que les mesures que nous avons prises en 2010», rappelle-t-il. Hors de question de passer à un système de «pénibilité par métier» automatique - le système actuel se base sur un taux d'incapacité constaté, avec dans certains cas une visite médicale de validation obligatoire à la clé - comme le préconise le rapport Moreau. «Un tel système serait ingérable, surtout que l'on a déjà intégré des critères comme le travail de nuit dans le dispositif de 2010», rappelle Éric Woerth. Et quid de la différence d'espérance de vie à la retraite entre les hommes et les femmes, liées non seulement à la durée d'activité plus longue des premiers dans des métiers bien plus difficiles physiquement: faut-il instaurer une bonification pour les seuls hommes ou une décote pour les femmes?

Mesures de justice à coût constant

Le gouvernement, qui a beaucoup communiqué sur l'aspect «justice et équité» de la réforme à venir, est donc maintenant face à un choix cornélien. Il doit non seulement tenir ses promesses s'il veut faire passer la pilule de la nécessaire hausse de la durée de cotisation et d'autres mesures douloureuses à court terme pour financer les déficits. Mais le faire sans exploser sans dégrader encore plus les finances des régimes de retraite. Pour financer son «forfait femme» - qui pourrait se monter à 70 ou 100 euros mensuels par enfant -, il a d'ailleurs prévu de le faire à coût constant dans une pure logique de redistribution. Bref de prendre aux uns, toujours les mêmes, pour donner aux autres…
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  • En proposant un « forfait femme » pour compenser leur faible niveau de pension, l'exécutif entend corriger des inégalités de carrière. Mais il oublie l'injustice qui fâche le plus : les différences de mode de calcul public/privé.

Source : http://www.lefigaro.fr/retraite/2013/07/18/05004-20130718ARTFIG00396-retraites-les-mesures-de-justice-a-venir-peuvent-faire-grimper-la-facture.php